

Sabrina Bonnet
30 juin 2025
La Cour de cassation rappelle : les décisions d’assemblée s’imposent à tous les copropriétaires, même des décennies plus tard.
Peut-on diviser son lot de copropriété à sa guise ? La réponse vient d’être clarifiée par la Cour de cassation dans un arrêt très attendu du 22 mai 2025. Un copropriétaire lyonnais, ayant transformé un lot unique en plusieurs logements, pensait agir dans les règles. C’était sans compter une interdiction votée par l’assemblée générale… en 1981.
Cette décision de justice remet les pendules à l’heure : en copropriété, la liberté individuelle s’arrête là où commence la volonté collective. Et tant qu’une résolution n’a pas été annulée par un juge, elle demeure pleinement applicable — y compris plus de quarante ans après son adoption.
Une affaire révélatrice d’un flou juridique courant
À l’origine du litige, la société Justin, propriétaire d’un appartement en copropriété, décide de diviser son bien en plusieurs unités d’habitation indépendantes. Pour justifier cette opération, elle invoque son droit d’usage des parties privatives, prévu par la loi du 10 juillet 1965.
Mais le syndicat des copropriétaires s’oppose fermement à cette transformation. Il rappelle qu’une interdiction explicite de diviser les lots avait été votée en 1981 en assemblée générale. S’ensuit un affrontement juridique autour de deux visions opposées de la copropriété : celle d’un droit de propriété libre et celle d’un régime collectif fondé sur le vote démocratique.
Des juges de fond divisés… avant la cassation
La cour d’appel de Lyon donne d’abord raison au copropriétaire. Selon elle, l’interdiction de 1981 n’est pas suffisamment démontrée, faute de décision judiciaire confirmant son application actuelle. En d’autres termes, l’ancienneté de la décision affaiblirait sa portée, à défaut de preuve formelle de sa persistance.
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis. Dans son arrêt du 22 mai 2025 (pourvoi n° 23-19.885), elle casse partiellement la décision d’appel, en rappelant un principe fondamental : “les décisions d’assemblée générale sont exécutoires tant qu’elles n’ont pas été annulées”. Leur force obligatoire ne dépend ni de leur date, ni de leur reconfirmation périodique.
Une décision aux conséquences concrètes
Le copropriétaire ayant divisé son lot s’expose donc à de lourdes conséquences : remise en état du bien, cessation de la location des unités séparées, paiement des frais de justice et dommages-intérêts au syndicat de copropriété. Dans cette affaire, la sanction s’élève à 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des frais d’avocat.
Mais au-delà du cas individuel, cette jurisprudence clarifie un point essentiel : les copropriétaires ne peuvent pas ignorer les décisions collectives sous prétexte qu’elles sont anciennes ou peu documentées. En copropriété, la mémoire juridique ne s’efface pas avec le temps.
Quelles règles s’appliquent à la division d’un lot aujourd’hui ?
Un copropriétaire peut diviser son lot à condition de respecter :
Le règlement de copropriété
Les décisions de l’assemblée générale
Les normes d’habitabilité imposées par la loi (surface minimale de 14 m², présence d’eau, d’électricité, d’évacuation)
Toute interdiction votée en AG reste valide sans limite de durée, sauf annulation judiciaire.
La division sans autorisation expose à une action en justice pour remise en état et sanctions financières.
Une gouvernance collective renforcée
Ce rappel à l’ordre judiciaire s’inscrit dans une tendance plus large : la revalorisation du pouvoir des assemblées générales face aux initiatives individuelles en copropriété. Alors que les opérations de division ou de colocation se multiplient, les copropriétaires doivent désormais anticiper que tout projet de transformation structurelle devra non seulement respecter le droit, mais aussi l’histoire réglementaire de leur immeuble.
Cette affaire met également en lumière l’importance, pour les syndics et conseils syndicaux, de conserver les archives des décisions collectives, et pour les copropriétaires, d’en tenir compte avant tout projet d’investissement ou de travaux.
Conclusion : un signal fort pour les copropriétaires
Diviser un lot pour en tirer un meilleur rendement locatif peut sembler judicieux sur le papier. Mais ignorer les règles de la copropriété expose à des risques majeurs. L’arrêt du 22 mai 2025 vient rappeler que le droit de propriété, en copropriété, est encadré — et que l’équilibre collectif prévaut sur les stratégies individuelles.