

Sabrina Bonnet
30 juin 2025
Entre aides financières, solutions collectives et risque judiciaire, comment réagir lorsqu’on ne peut pas faire face à un appel de fonds ?
💰La décision a été votée en assemblée générale. Isolation, ravalement, toiture ou ascenseur, peu importe le chantier : la résolution est passée et l’appel de fonds vient d’arriver. Problème : vous n’avez pas les moyens de régler votre quote-part. Une situation de plus en plus courante à mesure que les copropriétés se mettent à niveau, notamment sur le plan énergétique.
Face à la flambée des coûts de rénovation et à l’obligation croissante de travaux collectifs, que peut faire un copropriétaire en difficulté ? La loi encadre la solidarité, mais les conséquences peuvent être lourdes en cas d’impayé. Heureusement, des solutions existent.
Des travaux souvent incontournables, mais rarement anticipés
En copropriété, les travaux portant sur les parties communes (toiture, façade, ascenseur, escaliers, etc.) sont votés à la majorité en assemblée générale. Une fois adoptés, tous les copropriétaires doivent s’y conformer, y compris ceux qui ont voté contre.
Depuis 2017, un fonds de travaux est obligatoire dans les copropriétés de plus de 10 lots. Alimenté par une cotisation annuelle, il vise à anticiper les gros travaux. Mais en pratique, ce matelas financier est souvent insuffisant, et les appels de fonds exceptionnels restent la norme.
Je ne peux pas payer : quelles sont mes options ?
🔸 Demander un échelonnement sur 10 ans
Peu connue, une disposition de la loi du 10 juillet 1965 permet aux copropriétaires opposants à un projet de travaux de payer leur quote-part en 10 annuités égales, à condition d’en faire la demande dans les deux mois suivant la réception du procès-verbal d’assemblée générale. Attention : cette possibilité ne s’applique qu’aux copropriétaires ayant voté contre, et l’intégralité de la somme devra être réglée avant toute vente du bien.
🔸 Participer à un emprunt collectif
Le syndic peut proposer un prêt bancaire collectif à la copropriété pour financer les travaux. Tous les copropriétaires n’ont pas l’obligation d’y adhérer, mais ceux qui choisissent cette solution peuvent rembourser leur part via les charges de copropriété. Ce dispositif, encadré et sécurisé, peut servir à préfinancer les aides à la rénovation (MaPrimeRénov’, CEE…) ou à étaler les coûts sur plusieurs années.
Des aides pour alléger la facture
Certaines opérations ouvrent droit à des subventions ou prêts bonifiés, à condition qu’elles répondent à des objectifs énergétiques ou qu’elles concernent un immeuble ancien.
Voici les principales aides disponibles :
MaPrimeRénov’ Copropriété : jusqu’à 50 % du coût des travaux, avec des bonifications pour les passoires thermiques (DPE F ou G).
Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) : parfois suffisants pour couvrir certains travaux à 100 %.
Éco-prêt à taux zéro collectif : jusqu’à 50 000 € par logement, sans conditions de ressources.
Fonds de Solidarité Logement (FSL) : aide locale attribuée sous conditions de ressources par les départements.
Le syndic peut vous orienter vers ces dispositifs ou vous aider à constituer un dossier.
Que risque-t-on en cas d’impayé ?
Ne pas régler sa quote-part n’est pas une option sans conséquences. Une fois les travaux votés, l’obligation de paiement est automatique. Le syndic est tenu d’agir pour éviter que la copropriété ne souffre de déséquilibres financiers.
Voici les principales étapes d’un recouvrement :
Mise en demeure par lettre recommandée.
Majoration des pénalités (10 % dès 30 jours de retard).
Saisie judiciaire simplifiée, y compris hypothèque du bien et saisie-vente.
En cas de préjudice subi par d’autres copropriétaires (ex. : infiltration due au retard de travaux), le défaillant peut être condamné à verser des dommages et intérêts.
Depuis la loi ALUR de 2014, les délais sont plus courts et les procédures simplifiées. Le syndic n’a même plus besoin de passer par un huissier pour entamer certaines démarches.
Peut-on négocier le montant des travaux ?
Dans certains cas, la copropriété peut renégocier les devis. Le conseil syndical peut demander au syndic de consulter d’autres entreprises. Vous pouvez aussi proposer vos propres artisans, à condition qu’ils soient qualifiés (notamment RGE si des aides sont sollicitées).
Bon à savoir : certains artisans non RGE pratiquent des tarifs plus bas, mais leur intervention ne permet pas d’obtenir les subventions. Il faut donc arbitrer entre coût brut et reste à charge après aides.
Conclusion : ne restez pas seul face aux difficultés
Être en désaccord avec les travaux, ou dans l’incapacité de payer, ne vous exonère pas de vos obligations. Mais cela ne signifie pas non plus que vous n’avez aucun recours.
Il est essentiel de dialoguer avec le syndic dès les premiers signes de difficulté, d’explorer les dispositifs d’aide disponibles, et de vous faire accompagner, le cas échéant, par une assistante sociale, un conseiller juridique ou une association de consommateurs.
Dans un contexte de rénovation massive du parc immobilier, ces situations vont se multiplier. Il est donc temps que les copropriétés et les acteurs publics renforcent l’information, la prévention… et l’inclusion.